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Récuperer
C'est le mot, récupérer
Après une épreuve physique conséquente
Je croyais, je pensais, j'étais certaine d'avoir accepté la chronicité de la maladie
Les traitements
Leurs infernales et constantes répétitions
Les soins quotidiens pour lutter contre...
Crémer le corps, sans faille
Respirer les corticoïdes matins et soirs sans oubli
Se rincer la bouche plusieurs fois par jours, la champignonnière ne cédant à rien
Bref tout ce qui habite mon quotidien
Petites choses de rien à coté de ce que vivent les diabétiques par exemple
Petites choses de rien à coté des résultats positifs : les nodules terrassés, coincés dans leur petit coin de mon poumon
Oui je croyais avoir digéré tout ça
L'avoir accepté
Ma vie est dans l'ensemble belle et pleine de relations amicales ou familiales délicieuses et solides
Pleine de films, de livres, d'engagements
Pleine de moments de belles retrouvailles en cette sortie de pandémie
Pleine d'amour
Il y a bien tout cela et tout à coup, ça craque
Une vilaine douleur dans le dos
Une perte de capacités respiratoire
ça vient se poser sans délicatesse en haut de la pile
ça craque
Je me demande alors ce que j'ai accepté ou non
Je lutte contre le trop plein
Je lutte pour retrouver l'énergie pour chaque moment
Je compte le nombre de km faits chaque jour en ville
Gagner, regagner du souffle, de la force
C'est en bonne voie
La réparation est en route
Les activités retrouvées
Je pense, je sais que la chronicité est particulière
Accepter sans faiblir les contraintes
Pas immenses, mais réduisant les habitudes
Accepter la faiblesse, la fragilité,
Sa propre faiblesse, sa propre fragilité
L'écrire et regarder ces mots, vital autant que le dire
Pas pour se faire plaindre surtout pas
Juste pour comprendre et avancer
Faire le lien avec les blessures de l'enfance
Les amours avortés
Les errances de tant et tant d'années
Aimer la vie celle la même qui par moment vous trahit.
Celle qui s'ancre dans les épreuves passées pour mieux les conjurer
Admirer l'épaisseur de cette vie
Voir et revoir sa continuité
S'émerveiller devant l'engagement féministe de ses enfants
Je n'ai pas transmis à ma belle fille
Mais j'ai la chance de la voir s'engager comme comédienne et femme dans des combats que je menais il y a cinquante ans.
Je retrouve dans ma bibliothèque ce numéro devenu "historique" de la revue partisans
Il y a cinquante ans je l'achetais, je la lisais
Aujourd'hui je lui lègue précieusement
Du haut de mes vingts ans je découvrais le féminisme, j'y adhérais, j'y croyais, je pensais que nous sortirions de ces millénaires de dominations masculines
Il suffit de se pencher sur le contenu jugé alors révolutionnaire et de voir ce qui se revendique aujourd'hui pour comprendre le combat interminable...
J'ai offert ce trésor à ma belle fille qui renouvelle le combat
Je m'en réjouis et je vois que l'épaisseur de ma vie est pleine de ces espoirs aujourd'hui transmis.
C'est cela qui donne de grands coups de pieds à la chronicité
Me remet dans la vie
Ah, j'allais oublier de vous dire, allez voir "Nomadland", on en sort terriblement émus, éblouis même par cette partie cachée du monde américain, par tant d'humanité de sensibilité et de beauté.
Allez y, courrez y...
Tags : chronicité, transmission, féminisme
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