Où il est question de l'impossible banalisation du cancer.

Hier, coup de fil de mon amie Ba.

Alors rentrés de vacances, ça va?

non ça ne va pas, Da. a une récidive au poumon

merde, merde, et merde

Rien à ajouter.

Le coup de massue alors qu'on pense que tout va très bien. Comme il y a deux ans et comme l'année dernière, j'ai repris la voiture pour aller passer l'après midi chez eux dans leur merveilleux jardin à l'ombre, cause chaleur écrasante.

Alors, tu veux faire un concours avec moi?

T'inquiète, t'as pas encore tout vu

Bon on va se calmer tous les deux.

Et la machine à broyer la pensée s'est remise en route.

Le petscan à Bordeaux c'est la semaine prochaine, rapide mais pas assez

L'attente

A chacun son attente, lui, le petscan et le rendez vous oncologue

Moi le scan et le rendez vous oncologue....

Toutes les étapes déjà vécues .

J'ai de l'avance, je sais, lui et les siens sont devant l'immensité des questions et des phantasmes afférents.  

Et cette sensation non moins immense que nous sommes cernés par cette maladie, les amis autour de nous, la famille parfois.

Immersion dans la "banalité du cancer".

Banalité au fait, c'est quoi?  pas grave?

Qu'est-ce donc pour nous qui vivons cette chose extraordinaire?

Banal, extrait du Robert des synonymes : coutumier, commun, habituel, ordinaire...

Banalisation, extrait du Littré : fait de devenir commun, courant ...

Voila, on y est, et chacun connait quelqu'un qui, chacun sait quelque chose des chimios, des traitements, des rayons etc.

Chacun lit l'autre qui a écrit sur et à propos de...

Savoir, comprendre, tout savoir, tout comprendre alors que la faculté elle même barbotte dans l'incertitude.

Une série de petites ampoules se sont logées dans ma boite crânienne, je les vois , je les localise, juste en haut à gauche, collées au plafond, mon plafond à moi.

C'est ainsi que je les vois, qu'elles m'habitent. Ne me quittant jamais, elles émettent une faible luminescence et de temps en temps un surgissement fulgurant leur échappe envahissant ma pensée.

Il y a la petite veilleuse des effets secondaires stimulée au moindre essoufflement

Celle du cancer chronique, surgissant un peu n'importe quand.

Oui je vais bien

Non ma pensée n'est pas libérée

Encore moins quand je vois mes amis vivre les mêmes et pourtant si différentes épreuves.

Banaliser c'est croire que nous pourrions tous vivre pareillement des choses si bien connues!

Si méconnues!

Non, nous sommes différents, nos cancers sont différents, notre entourage est différent, nos histoires de vies sont différentes.

Tant d'éléments et plus qui font de la banalité un impossible, juste un concept, une idée collective.

Comme les statistiques, non applicable à l'individu

Luminescence ou fulgurances, notre vie se joue à chaque instant.