• Du temps pour voir, savoir.

    Eté comme hiver, chez nous, le beau temps couvre les terrasses de café d'une foule multicolore bruissante.

    Quoique cet hiver, faut voir, mais il a l'air fini!

    Les bras nus se déploient, s'étirent, aussi on tire un peu sur le décolleté pour mieux exposer son cou, les visages se tendent vers le ciel pour capturer les rayons heureux.

    Les boissons moussent, pétillent, coulent. Les rires se secouent.

    Tout change.

    Je croise D, pas vue depuis longtemps.

    Ah salut, je suis contente de te voir, tu as l'air très en forme, je passe tous les jours devant chez toi et je me dis je sonne? je sonne pas? comment tu vas?

    Bien, très bien même selon les moments

    Et tes traitements

    C'est particulier, ça se passe bien mais tu vois en ce moment par exemple je suis crevée... à part ça et quelques inconforts!

    j'ai une amie qui a le même traitement que toi, après ses injections elle est KO puis ça redémarre

    Oui je suppose que c'est comme ça, pas assez de recul encore pour voir, 

    En tous cas tu n'as pas l'air malade, tu es même rayonnante... 

    Je n'ai pas l'air malade. Je ne le suis pas.

    Sauf le classeur blanc et les rappels multiples de traitements, examens, rendez vous.

    Il me faut juste, encore, du temps pour voir, savoir, comprendre, admettre.

    Pour ritualiser mon quotidien

    Pour dissiper les ritournelles qui squattent mon cerveau.

    Pour que le mot cancer ne soit pas différent de diabète ou hypothyroïdie ou autre saloperie chronique.

    Et ce temps, je trouve qu'il prend son temps.

    Impossible de le brusquer, il oppose son épaisseur à mon avancée.

    Il vaut mieux l'apprivoiser!

    Alors mon quotidien est plein de petites choses.

    Tiens, ce matin j'ai ciré les vieux meubles de ma chambre. La belle qui abrite mes insomnies, mes siestes et mes amours. 

    Pas meublée Ikéa non.

    Le secrétaire de ma mère, la commode de mes beaux parents, taches sombres et lustrées par le temps sur murs blancs et empilements de livres peuplent mon intimité.

    Grand lit aux coussins multicolores pour me vautrer, m'étirer en long, en diagonale, ou me lover au milieu sous un édredon de plume quand la bouffée de chaleur partie me laisse tremblante de froid.

    Et puis mon quotidien se peuple surtout de lectures à n'en plus finir. Si la pile de livres à lire diminue trop, saisie par l'angoisse je file à ma librairie préférée pour la reconstruire. Un livre chasse l'autre. Impensable de vivre sans avoir à portée de main la possibilité de choisir.

    Si j'en crois les sensations qui s'installent je pense avoir périodiquement du temps pour lire, un peu plus peut être, pour écrire encore et encore. Courir les montagnes sera de moins en moins à l'ordre du jour.

    Vieillissement, maladie, traitement..

    la vie quoi.

     

     

     


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