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Pourquoi n’ai je pas versé... ©
...dans le terrorisme ?
Essentielle cette question profondément personnelle, individuelle inscrite dans un chemin de vie et un contexte impossible à occulter sous peine de conduire à des injustices flagrantes.
Car dans nos vies, dans la mienne en tous cas il y eut mai 68
Fol espoir
Sous les pavés la plage, slogan poétique, rêve éveillé
Oui nous avons manifesté, nous avons dit nos espérances
Nos persuasions
Nous avons engagé nos vie trébuchantes
Viré nos croyances religieuses
Expédié nos familles étriquées aux oubliettes
Nous avons milité
Nous avons bavardé, veillé, travaillé, lu, élaboré
Nous avons choisi notre camp
Nos idoles étaient les théoriciens de la révolution
Nous avons pris la vie à pleines dents
Avons mordu la pomme défendue avec délectation
Et nous y avons cru
Oui nous avons cru que nous allions changer le monde
L’injustice rendrait gorge
L’énergie ne manquait jamais
Les amours hésitaient, se trompaient, se fourvoyaient même
Nos jeunesses bridés s’y perdaient,
Le bonheur n’était pas forcément au rendez vous
Mais notre sincérité nous servait d’étendard
Il fallait avancer
Tout ceci allait se fracasser un week end de juin alors que l’essence était rendue aux pompes
Les gens sortirent, partirent chercher le bonheur ailleurs
Sur les plages
Ré enfourchèrent le vélo du travail
Et se remirent à pédaler oubliant cette parenthèse
Les pourfendeurs de la chienlit avaient gagné
La vie se remit en ordre
Mais les choses avaient changé, profondément
Le désarrois qui nous saisit fut immense
L’alcool nous offrit un refuge le temps de quelques soirées
Et la fièvre nous reprit et nous, nous reprîmes le chemin de la révolution un temps interrompu.
Plus organisés, plus réfléchis, plus variés aussi
Ce furent les grandes années de l’extrême gauche
Celle d’une jeunesse qui refusait de désespérer
Qui suivait le rêve un temps entraperçu en mai.
Plus batailleuse que jamais, plus isolée mais tellement persuadée.
J’en fus pendant cinq ans
Et il y eut la fracture, l’infernale rupture du processus révolutionnaire en route au Chili, un processus qui menait une révolution pacifique
Il y eut ce coup d’état militaire
La prise du pouvoir par une dictature militaire avec à sa tête Pinochet soutenu par les USA
Et l’ultime bataille du palais de la Monéda ce 11 septembre 1973
Et le suicide pendant cette attaque de Salvador Allende.
Et nous, manifestants impuissants, les yeux rougies de larmes devant l’ambassade des USA à Paris
Ce jour là je quittais tout
Consciente que notre militantisme pacifique ne menant à rien il fallait passer à la violence
Je ne pouvais pas
Je ne pouvais suivre les Brigades Rouges ni la Bande à Baader expression ultime de la FAR (Fraction Armée Rouge Allemande).
Cette radicalisation m’était impossible
Il s'en fallu de peu que je ne sombre
Me retenaient l’impossibilité de donner la mort et la peur de tous ces échecs retentissants.
Je sombrais dans une immense et très longue dépression
Aujourd’hui, atteinte de ce fichu troisième cancer je me bat pour cette vie qu’un temps je fus à deux doigts de sacrifier.
Et je regarde impuissante les grands de ce monde continuer leur ascension méprisante, perpétuer exploitation et injustice.
Je les vois se congratuler et remette sur la table 40 ans après ,l’extradition de ces hommes et femmes qui pourraient être « moi »
Leur passé leur colle aux baskets.
Ils ne peuvent y échapper
Et à nouveau j’ai envie de pleurer, car je sais ce que je faillis faire un temps.
Je sais ce qu’ils ont espéré et ce dans quoi ils sont tombés.
Tout ça pour de basses manœuvres politicardes juste avant que ne tombe la prescription.
Triste pour eux, et pourtant très heureuse de vivre.
Tags : terrorisme, engagement, vie
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