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Justine est là
C'est le prénom de la dernière tempête
Deux nuits sous les coups de boutoirs de la pluie et du vent
Dans un grondement identique à celui de l'océan que l'on approche derrière la dune
Un grondement sourd , celui du vent dans les forêts sur les sommets
Comme une grande menace
Pelotonnée sous la couette je l'écoute
J'essaie d'oublier l'arbre qui menace la grange ou celui un peu plus loin penché au dessus de la route
"Justine" noie les champs, énerve rivières et torrents
Pourtant "Justine" un instant s'est calmée hier à midi
Quand ma jumelle de cancer est montée avec sa petite famille pour manger chez nous
Ma jumelle qui héberge une nouvelle métastase et va ainsi avoir de nouvelles chimios
Finalement je suis rassurée, il n'y en a qu'une, je craignais qu'il y en ait partout, j'ai calculé, quatre chimios à trois semaines d'intervalle puis des chimios d'entretien comme pour toi, ça fait deux ans à peu près à envisager pour l'instant...
Tu te rends compte on en vient à souhaiter qu'elle soit comme toi, chronique mais stable, même plus de guérison dans l'air dixit MB au téléphone
Je sais , bon on fera face à ses cotés
Hier donc vers midi, ils arrivent et "Justine" miraculeusement s'est effacée ouvrant de grands déchirements bleus dans le ciel, laissant la place à un soleil impertinent, chaud. Joie d'une rupture inopinée dans la grisaille et la pluie.
Allez il fait chaud, personne n'a froid, on se met dehors. B. mène la barque dans ce bleu nouveau et sous ce si soudain soleil rieur
Vite fait, coup de chiffon sur table et chaises, petite nappe et on sort l'apéro
J'ai pas pris mes lunettes de soleil t'en a pas
Mais oui en réserve, il y a ça ici et d'en distribuer deux paires
Ce bleu du ciel, ce soleil qui réchauffe, au milieu de cette tempête, un bonheur soudain
Attends on va faire des photos devant la maison,
Et on se photographie, les filles (grand mère, mère, fille et moi) d'abord puis avec les garçons
Chant des bulles du champagne rosé frétillant dans les flutes, "morcilla con arroz de Burgos" grillée venus de chez Hélène aux Halles de Pau, frittons de canards venus tout droit du "Moulin gourmand" ici. Un apéro quoi...
Pas de rires aux éclats, mais une atmosphère heureuse (!)
Et comme c'est venu ça repart, "Justine" a éteint la lumière, la grisaille versus vent et nuages nous a foncé dessus
Vite vite à l'intérieur pour la suite du repas
Coin du feu et régal d'un menu concocté collectivement
Après ce moment délicieux, B. se met dans le transat devant la cheminée et somnole bercée par nos voix et le cliquetis des cuillères dans les tasses à café
J'ai fait ça tant de fois. J'adore ces moments de somnolence dans le chuchotis rassurant des voix amies. Protection de ceux qui nous aiment et écoulement de la fatigue dans les veines. Sensation si particulière. Douceur malgré la violence de la situation.
Dehors Justine gronde à nouveau.
Nos amis repartiront dans ce grondement et nous garderons comme un trésor ces moments particuliers, le bleu du ciel et la chaleur du soleil, et l'amitié qui nous lie autour de B.
Bref dialogue en catimini avec la maman.
j'ai peur de ne pas tenir le coup
Mais si tu vas tenir et je vais t'appeler
Oui appelles moi
Désarrois de la mère devant la souffrance de son enfant, quelque soit l'âge, la situation.
Insupportable inversion de la norme, votre enfant court un risque maximum et vous le regardez impuissante.
Être là et présents.es sera désormais notre mot d'ordre et cette journée fut belle.
Nous rentrerons à Pau malgré "Justine "qui entravera un peu nos déplacements... mais
Une nouvelle semaine commence
Tags : Temp^te, amitié, apéro
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